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Où en est le verdissement de l'assurance ?
A l'heure où l'on s'interroge sur le rôle qu'elle peut jouer dans la relance post-pandémie, la finance verte et responsable s'impose de plus en plus.
9 juin 2021
L'assurance est concernée par le changement climatique au même titre que les autres secteurs. Le changement climatique l'affecte à trois niveaux : il fait apparaître de nouveaux risques à couvrir ; il accroît les coûts des sinistres traditionnels liés aux événements climatiques ; il affecte la valorisation des actifs couvrant les passifs, du fait des « stranded assets » (actifs irrécupérables car liés aux énergies fossiles).
La régulation de l'assurance, Solvabilité 2, impose aux assureurs d'évaluer tous les risques auxquels ils sont exposés à court et long terme, même si ces risques sont mal pris en compte dans le cadre de la formule standard qui permet à la plupart des assureurs de quantifier les exigences prudentielles en capital (SCR). Les assureurs doivent en effet, a minima, prendre en compte les risques liés au changement climatique dans le cadre de l'exercice annuel dénommé ORSA (Own Risk and Solvency Assessment ou Évaluation interne des risques et de la solvabilité), qui est un exercice prospectif comme l'a rappelé le superviseur européen des assurances, l'EIOPA, en septembre 2019.
Pour clarifier ces exigences, la révision de Solvabilité 2 devrait conduire à inclure explicitement, et non plus implicitement, le risque climatique dans la régulation du secteur, notamment dans son ORSA et dans l'appréciation de sa solvabilité.
Les assureurs n'ont pas attendu les régulateurs pour traiter la question climatique. D'ores et déjà, ils couvrent la dérive, coûteuse, des événements climatiques, tempêtes, inondations et sécheresses, et imposent aux assurés de mener des actions de prévention suffisantes. Mais, s'il est clair qu'en tant que souscripteurs de risques climatiques les assureurs contribuent activement au traitement du changement climatique, c'est probablement au niveau de leurs investissements qu'ils sont le plus attendus car c'est à ce niveau que leur impact climatique est le plus important.
Un verdissement à marche forcée
De ce point de vue, les assureurs sont bien conscients des enjeux climatiques : en 2019, 65% de leurs investissements, soit 1.700 milliards d'euros d'actifs, sont couverts par une analyse en termes de critères ESG (57% des actions, 93% des obligations d'entreprises et 83% des obligations souveraines) ainsi que de critères climatiques (risques physiques et de transition). Mais conscience ne rime pas nécessairement avec action : la même année, seuls 3,5% des actifs de l'assurance française, soit 92 milliards d'euros, sont investis dans des fonds thématiques environnementaux, des infrastructures vertes, des green-bonds ou de l'immobilier vert. Ce chiffre, à première vue décevant, ne doit cependant pas masquer que le verdissement des actifs de l'assurance française est en train de se faire à marche forcée puisque leur volume a augmenté de plus de 50% sur un an.
Les assureurs pourront toutefois argumenter qu'ils n'ont guère la main sur une large fraction de leurs actifs. En assurance-vie, c'est à l'assuré qu'il appartient de décider de la nature des unités de compte où son épargne sera investie. L'assureur a naturellement un rôle pédagogique à jouer dans ce choix. Les assureurs français se sont d'ailleurs engagés à inclure dans leur offre au moins un support en unités de compte bénéficiant d'un label socialement responsable, solidaire ou vert, un engagement devenu obligation en application de la loi PACTE. Les résultats sont toutefois décevants : les encours d'unités de compte vertes (Greenfin) dépassent à peine 1 milliard d'euros (les unités de compte socialement responsable et solidaires ont eu beaucoup plus de succès). Le chiffre de 2019 ne doit toutefois pas occulter la forte progression d'une année sur l'autre, qui s'est traduite par un doublement.
En conclusion, si l'assurance, contrairement à la réassurance, a incontestablement tardé à verdir ses activités, elle met les bouchées doubles depuis qu'elle s'y est attelée.
A propos de l'auteur
Philippe Trainar est directeur de la Fondation d'entreprise SCOR pour la Science, et membre du Cercle des économistes. De 2006 à 2016, il a été Chief Risk Officer, Chief Economist et membre du Comex de SCOR.